L'ENTRETIEN DU MOIS.

Publié le par OBUT BEZIERS

A vingt-sept ans, le sociétaire de Bron est un des chefs de file de la nouvelle génération. Premier au classement des nationaux l'an dernier, joueur complet, il est un des incontournables de la bande de jeunes qui prend peu à peu le pouvoir au sein du circuit.

 

Romain Fournié, réflexion faite

 

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A vingt-sept ans, le sociétaire de Bron est un des chefs de file de la nouvelle génération. Premier au classement des nationaux l'an dernier après une montée en puissance constante lors des deux saisons précédentes, joueur complet, il est un des incontournables de la bande de jeunes qui prend peu à peu le pouvoir au sein du circuit. Solide au tir, il est un des rares jeunes joueurs à s'acquitter parfaitement du rôle de pointeur, et à en mesurer l'importance. Après quelques mois de réflexion forcée, il a accordé à boulistenaute un long entretien à son image, mesuré et réaliste.

 

Tu finis de purger une suspension qui t'a tenu loin des terrains, et ta saison ne commencera donc que le 16 avril. Mais auparavant, tu viens de former ton équipe pour les Masters 2012. Quelle est-elle ?

Je vais jouer avec Christophe Sarrio, Angy Savin et Kevin Malbec. Christophe est suspendu jusqu'au 1er juillet, il ne participera donc pas aux deux premières étapes. Au football, on dirait qu'il a deux matchs de suspension...

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En 2011, tu as fini premier du classement des points en nationaux, avant d'être suspendu trois mois. On va dire que c'était une très bonne saison ou une très mauvaise ?

Une saison exceptionnelle, c'est clair : la finale des Masters, la finale du championnat de France, la finale de l'Europétanque, la demi-finale de la Coupe de France, une demi-finale à Millau, treize finales dans les nationaux, et surtout la première et la deuxième place au classement des Masters pour Christophe et moi, qui nous permettent de choisir notre équipe pour cette année, c'est vraiment une super-saison. La suspension, bon, elle est venue comme un coup dans le dos en fin d'année, mais elle ne peut pas effacer tout ça.

 

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Alors, ces résultats, c'est aussi le résultat d'un gros investissement en temps et en énergie, puisqu'on vous a vu sur énormément de nationaux en 2011, aux quatre coins de la France. C'était nouveau pour toi, ou bien tu le faisais déjà depuis quelques années ?

J'ai commencé à faire pas mal de nationaux avec Christophe en 2010, et ça a payé puisqu'il avait fini premier et moi troisième. On a recommencé à tous les faire en 2011, avec pour objectif d'être en tête au classement des Masters. C'est vrai que ça a représenté beaucoup de déplacements, avec des concours à Mulhouse, à Amiens, aux quatre coins du pays, beaucoup de kilomètres, mais à la sortie, on est récompensés, c'est bien...

Cette place de numéro un, tu la voulais, tu en rêvais ?

Tous les joueurs de bon niveau font ça, ils regardent le classement des nationaux à la fin de l'année et sont contents s'ils sont bien placés. C'est une récompense, je l'ai dit, mais ce qui compte le plus à mes yeux, c'est de bien figurer au classement des Masters et de pouvoir y participer l'année suivante : les Masters, c'est la compétition qui nous révèle au grand public, qui est largement télévisée, et je suis content d'y être encore cette année. Ceci dit, ce sera dur de rivaliser encore, notamment avec cette super-équipe de France.

Alors, la finale des Masters, tu l'as atteinte l'an dernier, tu menais 10-0, et là, les ennuis ont commencé...

Oui, c'est vrai. La finale des Masters c'est vraiment le point noir de cette année 2011. Pourtant, au départ, si on m'avait dit : « Tu perdras 13 à 12 en finale face à l'équipe de France », j'aurais signé de suite. Bon, cette finale, elle revient à Dylan, qui nous a fait très mal, par son talent : après nous avoir battu en finale du championnat de France doublettes, il nous a joué cette boule victorieuse à Istres, un point impossible à gagner, à plus de douze mètres dans le bitume. Mais bon, c'est Dylan. On le sait : quand on joue contre lui, il faut s'attendre à ce genre de choses, et il nous l'a fait.

Après, ma suspension au motif d'avoir refusé la coupe des mains du maire d'Istres, ça a complété. Mr Bernardini, le maire, m'a adressé deux courriers où il précisait que ce n'était pas le cas et qu'il espérait qu'on me rende ma licence, mais ils n'ont pas eu d'effet. Bon, c'est du passé maintenant, mais tout ça fait de cette finale un souvenir bizarre.

 

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La suspension de Christophe Sarrio, en revanche, est plus longue que la tienne, et bouleverse ta saison. Quels sont tes projets pour les championnats ?

On a laissé tomber le championnat triplettes, et on espère pouvoir garder notre qualification pour le championnat de France doublettes le 23 juin : j'en profite pour faire un petit appel en direction de la fédération, qui ferait preuve de clémence en rendant à Christophe sa licence huit jours plus tôt, pour que nous puissions défendre notre place de finaliste 2011.

Sinon, je ferai le championnat doublette mixte avec Céline Baron, qui a rejoint Bron cette année : si la sanction de Christophe n'est pas adoucie, ce sera le seul championnat que je ferai.

Tu n'es qu'au début de ta carrière, mais tu joues déjà depuis longtemps. Comment ça a commencé, la pétanque, pour toi ?

Ca a commencé comme pour beaucoup de jeunes, grâce à mes parents. Ce sont eux qui m'ont initié au jeu, dans un petit club, et je suis resté dans mon département jusqu'à dix-huit ans.

 

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Tu viens du Gers, un département qui a donné pas mal de bons joueurs. A présent que tu es un joueur d'envergure nationale, qu'est-ce que tu vois dans ton bagage, dans ton expérience qui vient de là, du Gers ?

J'y ai appris beaucoup de choses, notamment quand j'ai signé à Mirande, avec Gérard Delom, Pierre Benony, Pierre Aline. Gérard Delom, c'est le joueur qui a disputé le plus grand nombre de championnats de France pour le Gers : en 1989, il avait fait la demi-finale du championnat de France tête-à-tête, après avoir sorti Philippe Quintais, le champion en titre, 13 à 0 !

Avec eux, j'ai disputé mes premiers championnats de France, on a fait deux fois les seizièmes. Quant on joue avec des joueurs qui ont autant d'expérience, on apprend beaucoup. D'ailleurs je voudrais profiter de cet entretien pour les remercier : si j'en suis là aujourd'hui, c'est grâce à eux. Je voudrais aussi saluer Sophie Zapico, avec qui j'ai fait les quarts de finale du championnat de France à Flamanville.

 

En observant ta génération, on a le sentiment que vous cherchez plutôt à jouer entre jeunes, en négligeant le brassage de générations qu'on voit depuis toujours, au sein des équipes, à la pétanque. C'est important, ça, quand même, faire ses classes avec des joueurs plus expérimentés ?

Oui, au départ, c'est très important. C'est là qu'on apprend la tactique, et beaucoup d'autres choses. Lors des cinq ou six ans où j'ai joué avec Delom, c'est là que j'ai tout appris. C'est vrai qu'ensuite, j'ai eu la possibilité de jouer avec d'autres jeunes, Stéphane Delforge, Benjamin Barber, Mathieu Spinouze, et que je suis sorti un peu plus. Ensuite, quand Christophe m'a demandé de venir à Bron, c'est vrai qu'on a souhaité jouer entre jeunes : c'est une autre mentalité, une autre ambiance.

 

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Quand on découvre la pétanque, qu'on commence à bien jouer, on a des modèles, des joueurs qu'on a envie d'imiter. C'était qui, tes modèles, à l'époque ?

J'aimais bien Michel Loy, pour son tempérament sur les jeux, son côté gagneur. Mais pour moi, le meilleur joueur de tous les temps, c'est Christian Fazzino : là, j'aime tout, sa tactique de jeu, sa présence sur le terrain, tout ce qu'il dégage.

 

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Tu fais partie de toute une génération qui prend peu à peu le pouvoir sur le circuit, et qui n'est pas toujours perçue de manière positive par un certain nombre de gens. Qu'est-ce que tu pourrais dire pour la défendre, cette génération, pour t'en faire l'avocat ?

C'est vrai qu'on a pu lire, notamment dans certains entretiens récents sur boulistenaute, quelques critiques venant de grands joueurs envers certains jeunes. Elles sont acceptables, même si elles sont difficiles à entendre, il faut en profiter pour progresser.

Nous, on essaie de jouer entre jeunes, on essaye de bien jouer, de faire plaisir aux gens, mais ce n'est pas toujours facile. On bouscule un peu les autres générations, ce n'est pas toujours bien accepté. En équipe de France, aux Masters, les places sont chères : à la pétanque, on peut rester compétitif pendant vingt, trente ans, alors quand on est jeune et qu'on arrive, c'est difficile de se faire une place.

 

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Justement, il y a un jeune joueur qui vient d'être retenu au sein de l'équipe de France. Qu'est-ce que tu pense de la sélection de Dylan Rocher pour les championnats du Monde ?

Moi, ça m'a fait plaisir pour lui, et puis c'est un signe pour nous, les joueurs de sa génération : ça nous donne l'espoir de pouvoir un jour rejoindre nous aussi cette équipe. La sélection de Dylan, ça peut encore bonifier Henri Lacroix. Il est très fort, mais Dylan peut lui apporter quelque chose. Dylan, je ne me fais pas de souci pour lui : les premières boules seront un peu dures à jouer, mais une fois qu'il sera dans le bain de ce championnat du monde, je crois qu'il n'y aura pas de souci à se faire pour lui.

Par contre, la composition l'équipe, avec trois tireurs, me déçoit un peu : se priver du meilleur milieu du monde, Henri Lacroix, en l'obligeant à pointer en tête, je trouve ça dommage. Et en tant que pointeur, voir qu'on privilégie autant le tir, ça fait un peu mal.

Ton premier grand résultat, c'est ta victoire au Mondial de Millau en 2008, en compagnie de Séphane Le Bourgeois et Hector Milési. Près de quatre ans plus tard, quel souvenir conserves-tu de ce résultat ?

C'est ma plus belle victoire à ce jour, il n'y pas photo. En plus, il a fallu que le sort s'en mêle : je devais jouer avec Maxime Vanel et Laurent Morillon, et ça n'a pas pu se faire. Maxime m'a proposé de jouer avec Stéphane et Hector, que je connaissais à peine. J'ai rencontré Stéphane la veille du concours, et deux jours après, on avait gagné onze parties sans avoir jamais, à part en quart de finale, été inquiétés. C'est une histoire assez incroyable.

 

 

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Tu as découvert également Hector Milesi...

On s'était rencontrés à Nice l'année d'avant, mais c'est vrai que c'est là que je l'ai découvert. A la première partie, avec Stéphane, on avait fait quatre palets, il a tapé double derrière nous, après six ou sept parties, il n'était pas fatigué, le dimanche matin, c'était le premier sur le terrain : il m'a impressionné. Depuis trois ans, je fais le Mondial avec lui, il monte, il descend, il revient voir les données deux trois fois alors que nous, on a du mal à y aller une fois, il est vraiment impressionnant. C'est quelqu'un d'incroyable.

 

Nous parlions tout à l'heure des joueurs qui t'ont servi autrefois de modèle. Tu es toi-même devenu, à présent, le modèle d'un certain nombre de jeunes joueurs. Qu'est-ce que tu aurais envie de leur dire, quel conseil est-ce que tu pourrais leur donner ?

Au début de ma carrière, j'étais tireur, et j'ai peu à peu appris à pointer, notamment en écoutant Gérard Delom. J'ai appris l'importance du point, en devenant milieu, et puis ensuite, en jouant avec des joueurs comme Christophe (Sarrio), Angy (Savin), Kevin (Malbec), Jérémy Darodes, j'ai constaté que je pouvais être costaud au point et j'en ai fait mon poste de prédilection. En plus, avec des joueurs comme ceux-là, on a toujours une ou deux boules importantes à tirer dans une partie, ça en fait un poste très intéressant.

 

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Donc, c'est ça, ton conseil en direction des jeunes, ne pas négliger l'importance du point ?

Exactement. On le voit vite dans les grosses parties, le point c'est très important. Le pointeur, il lance le tireur, il donne la confiance. Moi, je vois que quand Christophe a deux boules d'avance pour tirer, c'est autre chose. C'est comme ça qu'on gagne les parties, avec des carreaux et avec ce qui les provoque : l'avance de boules qu'on donne à celui qui les fait.

L'importance du point, on l'a vu en regardant jouer Quintais, Lacroix et Suchaud : un tireur pur et deux joueurs qui asphyxiaient l'adversaire avec leur appoint à dix mètres. Quand on joue comme ça, on réalise que le point vaut son pesant d'or.

 

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On va donc te revoir sur les terrains à partir du 16 avril. Tu viens de passer trois mois à la maison, une période dont tu as dû profiter pour réfléchir à la suite. Est-ce que tu vas retirer quelque chose de positif de cette suspension ?

C'est vrai que j'ai beaucoup réfléchi. Je pense qu'il y a un certain nombre de choses que nous, les jeunes, on ne sait pas trop faire et qu'on devrait essayer d'apprendre. Déjà, à l'intérieur de notre génération, il faudrait essayer de cesser de se faire la guerre entre nous. La nouvelle génération est très forte et au lieu de se casser du sucre sur le dos, on ferait mieux de s'entraider, de jouer ensemble : l'avenir passe par là. Les anciens font ça : certains jouent ensemble sans pour autant être amis, et oublient ça pour gagner. C'est comme ça que Suchaud, Quintais et Lacroix ont dominé pendant sept ou huit ans. A haut niveau, c'est ça qui fait la force d'une équipe, avec le respect. Chez nous les jeunes, c'est ça qu'il faut apprendre : le respect réciproque.

 

Source du site www.boulistenaute.com

Publié dans DIVERS

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